Dans le premier article de cette série, j’ai mentionné une étude de la firme McKinsey montrant que dans un sondage effectué auprès d’environ 1 500 cadres, seulement 9 % se déclarent satisfaits de la façon dont ils utilisent leur temps au travail. Près de la moitié admettent aussi qu’ils ne se concentrent pas suffisamment sur la direction stratégique de l’entreprise ou de l’organisation.
Les auteurs de l’étude ont voulu savoir si les cadres insatisfaits avaient des points en commun. Ils ont déterminé que ceux qui sont insatisfaits de la façon dont ils utilisent leur temps appartenaient à l’un des types de gestionnaires suivants :
TÉLÉMANAGER : tend à rester à son bureau, consacre plus de temps que la moyenne à envoyer des courriels ou à téléphoner. Consacre moins de temps que les autres à motiver les gens ou à interagir directement avec ses subordonnés.
L’ENTRAÎNEUR : passe plus de temps que la moyenne à interagir face à face ou dans des réunions avec ses employés et consacre un temps limité aux parties prenantes externes. Utilise les courriels et le téléphone nettement moins que les autres.
LE RELATIONNISTE : consacre la majorité de son temps aux parties prenantes externes, mais manque de temps pour réfléchir et néglige la stratégie. Quelques employés privilégiés peuvent le rencontrer en personne, mais les autres se heurtent à une porte fermée.
LE POMPIER : consacre le plus clair de son temps à réagir aux urgences par téléphone ou par courriel. Est plus souvent seul que les autres, mais ne prend pas souvent le temps de réfléchir ou de formuler des directives.
Plusieurs cadres insatisfaits, surtout les pompiers et les télémanagers, ont du mal à consacrer le temps nécessaire aux conversations et aux relations d’équipe qui nourrissent les projets et les font réussir.
Les télémanagers consacrent moins de 20 % de leurs journées de travail à rencontrer et à motiver leurs employés individuellement ou en groupe. Leur mode de communication préféré est le courriel, d’autres formes de messageries asynchrones et le téléphone, tous des substituts inadéquats à de vraies conversations.
Les relationnistes (les PDG y sont bien représentés) et les entraîneurs (qui relèvent souvent des précédents) semblent réaliser des choses essentielles : les relationnistes dédient la majorité de leur temps à des rencontres en personne avec des parties prenantes importantes (souvent externes), alors que les entraîneurs consacrent plus de 20 % du leur (plus que tous les autres groupes) à interagir, encourager et motiver les employés.
Mais que négligent les insatisfaits ? Les entraîneurs allouent moins de temps que les autres cadres aux parties prenantes externes de l’organisation. Du côté des relationnistes, 80 % des interactions ont lieu en personne ou au téléphone. Ils disent avoir de la difficulté à interagir avec une grande partie de la main d’œuvre et à consacrer assez de temps à la réflexion et à la stratégie. Le défi est le même pour les entraîneurs qui consacrent moins de 10 % de leur temps à se concentrer sur la stratégie à long terme.
Les directeurs généraux dominent parmi les pompiers, puisqu’ils passent beaucoup de temps seuls dans leur bureau à effectuer de la micro gestion et à répondre à des supposées urgences par courriel ou par téléphone (40 % de leur temps par rapport à 13 % pour les relationnistes). Ces cadres se plaignent aussi de la prédominance des enjeux à court terme et des décisions opérationnelles immédiates dans leur emploi du temps, ce qui les empêche d’établir une direction stratégique et organisationnelle.
Je rencontre régulièrement des dirigeants qui appartiennent à l’un ou l’autre de ces groupes et leur insatisfaction est palpable. Que devraient-ils faire pour être plus satisfaits ? L’étude de McKinsey révèle tout de même qu’un cadre sur dix est satisfait de son utilisation du temps. Alors, quelle est leur recette ?
Il semble, en gros, que l’équilibre soit un élément important. Les dirigeants satisfaits consacrent en moyenne 34 % de leur temps aux parties prenantes externes (incluant les conseils d’administration, clients et investisseurs), 39 % de leur temps en réunions à internes (partagées également entre des tête-à-tête avec leurs subalternes, des activités d’équipes axées sur le leadership et d’autres rencontres avec les employés) et 24 % au travail solitaire.
En ce qui concerne le temps que ces dirigeants consacrent aux interactions avec d’autres, 40 % a lieu en personne, 25 % en vidéo ou en téléconférence et 10 % sous une autre forme de communication en direct. Moins du tiers fait appel aux courriels ou à d’autres formes asynchrones comme les boîtes vocales.
Le groupe satisfait a identifié quatre activités primordiales qui occupent les deux tiers de leur temps avec des parts à peu près égales :
- prendre des décisions opérationnelles et commerciales importantes,
- gérer et motiver le personnel
- établir une direction et une stratégie
- gérer les parties prenantes externes.
Notez que les cadres insatisfaits n’ont mentionné aucune de ces activités transactionnelles et administratives parmi leurs occupations principales.
Les pourcentages cités plus haut sont des moyennes et ne constituent pas une recette. La répartition réelle de l’emploi du temps de chaque personne dépendra de sa position dans l’organisation, du secteur d’activité et de plusieurs autres facteurs. Je note cependant que l’impression d’équilibre entre divers types d’activités est plus grande dans le groupe des dirigeants satisfaits que du côté des insatisfaits.
Est-ce que les cadres satisfaits ont une tendance naturelle à équilibrer ces divers secteurs d’activité ? Est-ce que cette tendance naturelle fait défaut chez les gestionnaires insatisfaits ? Sont-ils plutôt victimes de leurs préférences ? Ce sont toutes des questions intéressantes, mais l’étude de McKinsey n’y répond pas. D’ailleurs serions-nous plus avancés si nous le savions ?
Peu importe la cause, si vous êtes insatisfait de la façon dont vous utilisez votre temps parce que vous n’en consacrez pas assez à des activités importantes pour votre organisation, vous devrez corriger la situation en faisant une place plus importante à ces activités dans votre calendrier.
L’un des prochains articles de cette série portera sur la notion de choix : choisir quoi faire au lieu de vouloir tout faire.