Comprendre ce qui change : de collègue à capitaine
Avant, vous étiez dans l’action. Aujourd’hui, vous êtes dans la coordination, la prise de recul, et la responsabilité collective. Finie l'époque où votre performance individuelle suffisait : votre succès passe désormais par celui de votre équipe.
Ce changement de posture est majeur. Vous êtes passé·e d’un rôle d’exécution à un rôle de facilitateur·trice. Vous n'êtes plus seulement un rouage dans la machine : vous avez un œil sur les engrenages, les connexions, les dérapages possibles. Et non, ça ne veut pas dire tout contrôler ou tout faire vous-même.
La tentation est forte, surtout au début, de garder la main sur ce que vous connaissez. Mais être gestionnaire, ce n’est pas être un·e super-expert·e. C’est apprendre à faire grandir les autres tout en assurant que l’ensemble fonctionne. Vous êtes là pour définir un cap aligné sur les objectifs de l'entreprise, accompagner, arbitrer, et donner du sens.
Clarifier son rôle : attentes, responsabilités, posture
« Mais concrètement, qu’attend-on de moi ? »
C'est LA question à poser. Trop souvent, on nomme un·e gestionnaire sans lui expliciter ce qu’on attend de lui ou elle parce qu'on pense que c'est "évident". Votre première mission, si vous l’acceptez, est donc d'aller chercher cette clarté : avec votre propre supérieur·e, avec les RH, avec vos collègues gestionnaires.
Voici quelques responsabilités fréquemment implicites :
- assurer la performance collective ;
- assurer ses propres livrables et s'assurer que ceux de l'équipe sont bien livrés ;
- favoriser un climat de travail sain (loi 27);
- gérer les conflits ou tensions ;
- donner de la rétroaction ;
- représenter votre équipe auprès de la direction et rendre des comptes ;
- contribuer aux orientations stratégiques.
Votre posture change également : il ne s'agit plus d'être "sympa et compétent·e" mais d'être juste, constant·e, et aligné·e avec vos valeurs et celles de l'organisation. Et surtout, de ne pas rester seul·e avec vos doutes : poser des questions, demander de l’aide ou de la rétroaction, ce n’est pas un signe de faiblesse. C’est un signe de bonne gestion... même si, dans certaines organisations, cela peut sembler contre-culturel. Quand tout le monde court, poser des questions ou demander du soutien peut être perçu — à tort — comme un manque de compétence. Pourtant, les gestionnaires qui prennent le temps de chercher de la clarté, d’ouvrir des conversations et de nommer leurs besoins posent les bases d’une gestion plus saine, plus durable.
Et si, en lisant ces lignes, vous vous sentez un peu dénuni·e dans votre rôle : sachez que vous n’êtes pas seul·e à vous sentir comme ça. Demander de l’aide n’est pas un aveu de faiblesse, c’est souvent le premier pas vers un vrai soutien.
Se construire une vision de gestion
À quoi voulez-vous que votre équipe ressemble dans 6 mois, 1 an, 2 ans ? Quel genre de gestionnaire voulez-vous être ?
Avoir une vision de gestion ne veut pas dire avoir toutes les réponses. C’est plutôt un fil conducteur, une boussole qui vous aide à prendre des décisions cohérentes. Votre vision peut être ancrée dans des principes comme la transparence, l’autonomie, la responsabilisation ou le développement des compétences.
Quelques questions pour réfléchir :
- Quel est mon rôle dans la motivation de l’équipe ?
- Quelle est ma tolérance à l’erreur ?
- Comment je veux qu’on se sente dans mon équipe ?
- Quelles sont les valeurs que je veux incarner comme gestionnaire ?
Par exemple, en tant que gestionnaire, vous pourriez vous dire : « Ma vision, c’est une équipe où tout le monde ose lever la main quand quelque chose cloche. » Simple, puissant, et mobilisateur.
S’adapter à son nouvel environnement
Vous avez peut-être l’impression d’avoir changé de continent sans dictionnaire. Ce sentiment d’être déconnecté·e de votre ancien rôle est normal.
Ce que vous pouvez faire, c’est prendre le temps d’observer. Qui sont vos allié·es ? Quelles sont les dynamiques formelles et informelles ? Quels sont les non-dits culturels ?
Cherchez un·e mentor, rejoignez une communauté de gestionnaires, parlez avec des collègues plus expérimenté·es. Et surtout : donnez-vous le droit à l’erreur. Vous n’êtes pas censé·e tout savoir tout de suite.
Si on attendait que les gestionnaires soient parfaits pour les nommer, il n’y aurait personne à la tête des équipes.
Petit rappel utile : mener une équipe, ce n’est pas dompter une troupe de chats surexcités (même si certains jours, ça y ressemble). C’est créer les conditions pour que chacun·e donne le meilleur de soi.
Poser de bonnes bases concrètes
Un autre enjeu souvent sous-estimé concerne vos anciennes relations professionnelles. En devenant gestionnaire, la dynamique change. Certain·es ancien·nes collègues peuvent percevoir votre nomination comme une rupture, voire une trahison silencieuse. Il se peut aussi que vous ne puissiez plus partager autant d’informations, ou que vous deviez prendre des décisions qui les concernent directement.
Ce n’est pas que vous devenez une autre personne, mais votre rôle exige une certaine distance, une posture différente. Et cela peut créer un malaise, autant chez vous que chez les autres. Il est important de reconnaître cette transition, de faire preuve de transparence et d’écoute, tout en assumant votre nouvelle responsabilité avec tact et cohérence.
Quelques gestes simples peuvent faire une grande différence :
- Prenez le temps de rencontrer chaque membre de votre équipe individuellement. Pas pour juger, mais pour écouter et comprendre.
- Réservez-vous des périodes régulières de recul (pas seulement entre deux réunions). Le temps de pensée est du temps de gestion.
- Créez un carnet de bord : notez vos questions, apprentissages, erreurs, intuitions. Vous serez surpris·e de ce que vous en retirerez.
- Mettez en place un réseau de soutien. Un appel à un·e pair peut parfois sauver une journée (ou une semaine).
Et surtout : soyez indulgent·e envers vous-même. L’apprentissage est en cours.
Pour conclure
Vous n’êtes pas prêt·e et c’est normal. Mais vous avez déjà franchi une étape essentielle : prendre conscience de la nature du changement que vous vivez. En posant les bonnes questions, en observant, en clarifiant votre rôle et en esquissant votre propre vision de gestion, vous jetez les bases d’un leadership solide et authentique.
N’oubliez pas que la gestion n’est pas une science exacte. C’est un apprentissage continu, un équilibre entre tête froide et cœur chaud. Et vous n’avez pas à tout faire seul·e. Entourez-vous, soyez curieux·se, restez humain·e.
À suivre... Cet article fait partie d’une série pour nouveaux et nouvelles gestionnaires. Le prochain volet portera sur la gestion de soi et le développement personnel : comment mieux se connaître, gérer son temps, ses émotions, et planifier son propre développement professionnel. |
Pour aller plus loin :
Nouveau gestionnaire : réussir sa transition de collègue à chef