Pour les organisations, la performance et la compétitivité sont prioritaires. L’absentéisme, notamment, se distingue par ses coûts financiers évidents. Toutefois, en parallèle, le présentéisme (présence physique au travail sans pleine participation ou engagement mental et émotionnel) se glisse discrètement, sapant l’efficacité de l’intérieur sans toujours être identifié. Ces phénomènes, liés à la santé et au bien-être des employés, méritent une attention accrue en raison de leurs effets sur la productivité et la santé de l’entreprise.
Une étude récente de The Conference Board of Canada menée auprès d’employés et d’organisations dans tout le Canada met en lumière les défis associés à l’absentéisme et au présentéisme en relation avec la santé mentale.
Le coût caché de l’absentéisme
L’absentéisme au travail a un coût bien plus profond que les pertes financières directes. En 2012, date du dernier relevé sur le sujet, le Canada a enregistré une perte directe de 16,6 G$ due à l’absentéisme, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Lorsqu’un employé est absent, ses collègues subissent une pression accrue, devant combler le vide laissé. Cela peut entraîner stress, baisse de qualité et erreurs. De plus, une présence irrégulière crée un sentiment d’insécurité au sein des équipes, nuisant au moral et à la cohésion.
Sur le plan opérationnel, remplacer ou former temporairement coûte cher et retarde certaines tâches. Pire encore, un taux d’absentéisme élevé peut ternir la réputation d’une entreprise, rendant le recrutement de talents plus ardu. Au-delà des coûts visibles, l’absentéisme cache des répercussions profondes sur l’organisation, nécessitant des stratégies proactives pour y faire face.
Présentéisme : une problématique plus coûteuse
Bien que l’absentéisme soit fréquemment discuté en milieu professionnel, le présentéisme, moins souvent évoqué, peut être encore plus dévastateur. Le présentéisme désigne la situation où un employé est physiquement présent au travail, mais n’est pas pleinement productif en raison de maladie, de stress, ou d’autres problèmes personnels. En surface, tout semble normal, mais en-dessous, la perte de productivité est réelle.
Le coût du présentéisme dépasse souvent celui de l’absentéisme. En effet, un employé malade et contagieux qui vient quand même au bureau peut non seulement ralentir sa propre guérison tout en étant moins productif, mais aussi contaminer ses collègues… qui, à leur tour, devront peut-être s’absenter, ce qui affectera à leur tour leur productivité. Les problèmes émotionnels ou mentaux non traités peuvent également conduire à des erreurs professionnelles, affectant la qualité du travail et potentiellement coûter cher à l’entreprise en termes de réparations ou de relations client.
Mais le coût le plus insidieux du présentéisme est peut-être son effet sur les équipes. Voir un collègue en difficulté sans le soutien adéquat peut démoraliser une équipe entière. Ou lorsqu’un employé se présente au bureau mais manque de motivation, sa productivité et la qualité de son travail peuvent chuter drastiquement. Ce comportement, s’il n’est pas adressé, peut engendrer du ressentiment parmi ceux qui fournissent des efforts constants, perçus comme compensant les manquements du collègue démotivé.
Il est donc essentiel pour les entreprises d’adopter une approche proactive pour identifier et traiter les causes profondes du présentéisme, garantissant ainsi une meilleure santé organisationnelle.
Avant la pandémie, le coût des maladies mentales au Canada était estimé à 51 G$ par an, avec des pertes de productivité s’élevant à 6,3 G$. Ces chiffres ont augmenté de manière exponentielle pendant la pandémie. La Commission de la santé mentale du Canada prévoit qu’au cours des 30 prochaines années, le coût total des maladies mentales pourrait atteindre plus de 2 500 G$.
Le plus préoccupant : les problèmes de santé mentale, tels que la dépression et l’anxiété, jouent un rôle majeur dans le phénomène du présentéisme.
L’impact de la santé mentale sur la productivité est trois fois plus important que l’impact de l’absentéisme pour les mêmes raisons.
Les employés aux prises avec des défis mentaux peuvent avoir du mal à se concentrer, à prendre des décisions ou à interagir efficacement avec leurs collègues. Mais plus encore, le silence autour de ces sujets amplifie le sentiment d’isolement de ces employés, réduisant davantage leur motivation et leur engagement.
Bien que la santé mentale ait été négligée par les entreprises et qu’elle n’était pas un sujet dont on parlait dans la société en général, elle est désormais cruciale. Reconnaître et aborder la santé mentale au travail est non seulement une question de bien-être individuel, mais aussi un impératif économique.
La stigmatisation : un problème sous-jacent
Près de 60 % des employeurs canadiens identifient le stress et d’autres problèmes de santé mentale comme les principales raisons des absences. Cependant, seulement 12 % des employés affirment prendre congé pour ces raisons. Cela soulève une question cruciale : les employés cachent-ils leurs véritables raisons d’absence par peur de la stigmatisation?
Selon l’étude, nombreux sont ceux qui ne considèrent pas la santé mentale comme une raison légitime d’absence ou craignent les jugements et les conséquences professionnelles s’ils se déclarent en congé pour des raisons psychologiques.
Les préjugés, qu’ils soient conscients ou inconscients, ont des conséquences directes sur le bien-être des employés. Une personne craignant la stigmatisation est moins susceptible de chercher de l’aide ou de bénéficier de ressources internes disponibles. Ce silence peut conduire à des conséquences dramatiques, tant pour l’individu que pour l’organisation.
Des recommandations pour un milieu de travail plus sain
La création d’un milieu de travail sain, tant sur le plan physique que psychologique, est un impératif pour les organisations. Non seulement cela améliore la productivité, mais cela favorise également la fidélité des employés. Voici quelques recommandations clés pour y parvenir :
1. Promouvoir un équilibre travail-vie personnelle : encouragez les pauses régulières, la flexibilité des horaires et le télétravail lorsque c’est possible. Un employé qui a du temps pour ses loisirs et sa famille est souvent plus épanoui et productif.
2. Mettre en place des programmes de bien-être : cela peut inclure des activités sportives, des ateliers de gestion du stress ou des séances de méditation.
3. Encourager la communication ouverte : des canaux de communication clairs (réunions d’équipe régulières, outils de messagerie instantanée, séances de rétroaction individuelles avec son gestionnaire, enquêtes et sondages anonymes…) permettent aux employés d’exprimer leurs préoccupations, de se sentir entendus et valorisés.
4. Sensibiliser les gestionnaires : ils doivent être en mesure de reconnaître les signes de détresse au sein de leurs équipes et savoir comment intervenir (ou déléguer l’intervention) de manière appropriée.
5. Création de programmes de soutien : mettez en place des ressources telles que des lignes d’écoute ou des consultations avec des professionnels de la santé mentale.
Pour conclure
Face à l’impact croissant de la santé mentale sur la productivité et le bien-être des employés, l’heure est venue d’agir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’absentéisme et le présentéisme liés à la santé mentale coûtent cher, tant sur le plan financier qu’humain. Mais le coût financier ne devrait pas être la seule préoccupation. La santé et le bien-être des employés doivent être une priorité absolue. Les organisations doivent reconnaître la complexité des défis auxquels leurs employés sont confrontés et adopter une approche globale pour soutenir leur bien-être.
Les solutions, bien que simples à énumérer, nécessitent un engagement réel de la part des employeurs. Une culture organisationnelle qui valorise le bien-être, qui déstigmatise les problèmes de santé mentale, et qui offre un soutien concret est essentielle. Il est impératif d’encourager la transparence et de garantir un environnement de travail où chacun se sent soutenu et valorisé.
Et de votre côté, quelle serait la prochaine étape pour garantir le bien-être mental de vos équipes ou de votre entreprise? A vous de jouer!
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